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DES TAPOTEMENTS DANS LA NUIT

lueur des petites lumières rouges ; jusqu’à sa première infraction aux lois, qui fut découverte, puis, tout à la suite, ses vols et ses brigandages, la trahison d’un complice, qui le fit incarcérer, et ses rouges assassinats, dans les murs mêmes de la prison.

Jake Oppenheimer avait été dénommé le « Tigre humain ». Sobriquet qu’avait forgé quelque sale reporter, et qui survivra à la mort de celui qui en fut gratifié. Quant à moi, j’ai trouvé en Jake Oppenheimer tous les traits d’une belle et vraie humanité. Il était fidèle à ses amis et loyal. Il lui était arrivé de subir de durs châtiments, plutôt que de témoigner contre un camarade. Il était brave et savait souffrir. Il était capable de sacrifice — je pourrais vous en donner une preuve indéniable, mais c’est une histoire qui nous entraînerait trop loin. L’amour de la justice était en lui une frénésie. Les meurtres qu’il avait commis dans la prison étaient dus entièrement à ce sentiment extrême de la justice. C’était un cerveau magnifique, que toute une vie passée sous les verrous et dix ans de cellule n’avaient pas obscurci.

Morrell, non moins bon camarade, était lui aussi, un splendide esprit.

Sur le seuil de la tombe, je ne crains pas de le proclamer bien haut, sans être pour cela taxé de présomption, les trois plus nobles cerveaux que contenait la prison de San Quentin, du gouverneur Atherton jusqu’au dernier domestique, étaient les trois hommes qui pourrissaient de compagnie, dans ces trois cachots.

À l’heure suprême où, regardant en arrière, je repasse l’examen de tout ce que j’ai vu, de tout ce que j’ai connu dans ma vie, la vérité me force à déclarer que les esprits les plus fortement trempés sont aussi les plus indociles. Les stupides, les couards, tous ceux qui n’ont pas l’âme inflexiblement droite et une juste conscience de ce qu’ils valent, ceux-là font des prisonniers modèles.

Jake Oppenheimer, Ed. Morrell ni moi, ne sommes point de ce nombre, et j’en rends grâce aux dieux !