En conscience, j’eusse, à la longue, vendu volontiers une bonne part de mon âme immortelle pour quelques livres de cet explosif, que j’aurais pu livrer en pâture à mes tortionnaires.
Combien de fauteuils furent brisés ? Je n’en sais rien. Un moment arriva, où il me sembla que j’étais en plein cauchemar. Endormi ou éveillé ? J’eusse été incapable de le dire. Je m’évanouis de faiblesse, plusieurs fois. Et, pour terminer, je fus rejeté dans mon noir cachot.
Lorsque je repris mes esprits, j’avais un « mouton » auprès de moi. C’était un condamné à temps, un petit homme à la face pâle, éthéromane, et qui était prêt à tout faire afin de se procurer sa drogue.
Dès que je l’eus reconnu, je me traînai vers la grille de mon guichet et je criai dans le corridor, où ma voix s’allongea :
— Gardez-vous ! camarades. Il y a un mouchard parmi nous ! C’est Ignatius Irvine. Attention à vos paroles !
La bordée d’injures qui s’éleva, l’ouragan de jurons qui éclata, eussent fait frémir l’âme d’un homme plus brave que cet Ignatius Irvine. Il était pitoyable dans sa terreur, tandis que rugissaient tout le long du sombre corridor, comme dans une ménagerie de fauves, les quarante convicts, qui lui promettaient pour l’avenir mille choses affreuses, mille punitions épouvantables.
Y aurait-il eu un secret caché, que la présence d’un mouchard dans le Quartier des Cachots aurait suffi à clore toutes les lèvres. Mais de secret il n’y en avait point, et tout le monde avait juré de dire la vérité, la vérité seule.
Les conversations recommencèrent, de grille à grille. Ce qui intriguait surtout les quarante, c’était la dynamite, qui, pour eux comme pour moi, était un mythe. Ils s’adressèrent à moi et me supplièrent, si je connaissais quoi que ce fût sur ce chapitre, de l’avouer, afin de leur épargner un recommencement de tortures. Mais je ne