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LE VAGABOND DES ÉTOILES

sera à ma hauteur, et, les bras passés autour de mon corps, pour l’empêcher d’osciller comme un pendule, l’oreille collée sur mon thorax, ils compteront les battements de plus en plus faibles de mon cœur. Vingt minutes s’écoulent parfois, après que le plancher a culbuté, avant que le cœur cesse de battre. Ils s’assurent scientifiquement, n’en doutez pas, que l’homme à qui l’on a passé un chanvre autour du cou est bien mort.

Ici, je me permets d’ouvrir une nouvelle parenthèse et de poser à mes concitoyens, au sujet des rites de la pendaison, une double « colle ». C’est bien mon droit, j’imagine, puisque je vais être pendu. Si le fonctionnement, savamment combiné, de la boucle et de la trappe est si parfait, et le résultat immanquable, quelqu’un peut-il m’expliquer pourquoi, pour cette aimable opération, on lie les bras du patient ? Pas un sur dix d’entre vous, tas de crétins, n’est capable de le dire ! Eh bien ! moi, je vais vous renseigner. Peut-être avez-vous eu déjà la distraction de voir lyncher quelqu’un. Vous avez alors constaté que celui, à qui cette malchance advient, n’a qu’une idée, lever les bras en l’air pour desserrer le nœud coulant dont on a orné son cou. Il en serait de même, n’en doutez pas, pour le pendu dans sa prison. Comprenez-vous maintenant ?

Pourquoi, en second lieu, enveloppe-t-on d’un voile noir la tête et la face du candidat à la pendaison ? Réponds-moi, si tu le peux, espèce de fat, élevé dans du coton et dont l’âme ne s’est jamais égarée aux rouges Enfers ? Ce voile noir, penses-y, on va m’en coiffer d’ici peu et, sur ce point encore, j’ai le droit de réclamer une réponse.

Réfléchis bien, mon cher concitoyen, toi, tout bouffi d’orgueil de n’être point dans mon cas, que je ne te pose point cette question mille ans avant la venue du Christ, ni mille ans après lui, dans les ténèbres du moyen-âge, mais en 1913, où nous sommes. Tu es, je n’en doute point un bon chrétien, et cependant tes chiens pendeurs de