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LE VAGABOND DES ÉTOILES

sorte de stupeur de tout mon être, sentant confusément l’humidité et le froid dont j’étais la proie.

Le matin, en me montrant le lieu sinistre où j’avais échoué, m’apporta un renouveau d’effroi. Aucune plante, pas un brin d’herbe ne poussaient sur ce bout de sol désolé, sur cette excroissance rocheuse de l’océan. Sur un quart de mille en largeur et un demi-mille de long, ce n’étaient que rocs entassés.

Je ne pouvais rien découvrir qui fût susceptible de sustenter mon épuisement. Je mourais de soif, et il n’y avait pas d’eau douce. En vain je tentais de boire à chaque cavité rocheuse que je rencontrais. Les embruns de la tempête avaient salé l’eau de pluie qui avait pu s’y amasser, et je ne fis qu’attiser ma soif. Toute la journée, je me traînai sur les mains et sur mes genoux saignants, dans la recherche vaine d’une goutte d’eau potable. Quant à la chaloupe, rien n’en subsistait que l’unique aviron auquel je m’étais cramponné et qui était venu à terre avec moi.

Le second jour, mon état empira. Moi qui n’avais pas mangé depuis si longtemps, je me pris à enfler démesurément. Mes jambes, mes bras, tout mon corps gonflèrent. Mes doigts s’enfonçaient d’un pouce dans ma peau, et les dépressions qu’ils y formaient étaient longues à disparaître. Malgré toutes mes peines, je continuais à lutter pourtant, décidé à accomplir jusqu’au bout la volonté de Dieu, qui était que je vive. Soigneusement, je vidai avec mes mains toute l’eau salée que contenaient les trous des rochers, dans l’espoir que les averses prochaines les rempliraient d’eau douce.

Effectivement je fus réveillé, au cours de la nuit, par le battement d’une averse. Je rampai de trou en trou, lapant la pluie, ou la léchant sur les rochers. Cette eau était saumâtre encore, mais tolérable. Elle me sauva. Je me rendormis et quand, au matin, je me réveillai, une sueur abondante me trempait et j’étais délivré de tout délire.