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LE VAGABOND DES ÉTOILES

— Et votre Paradis, à vous, demandai-je, quel est-il ?

— C’est un été sans fin, un printemps à la fois et un automne, où les fleurs sont toujours écloses, les plus beaux fruits toujours mûrs.

Je secouai la tête et grommelai :

— Moi non plus, je n’aime pas votre Ciel. C’est un endroit triste et mou, un lieu bon tout au plus pour les faibles et les eunuques, pour les obèses, incapables de se remuer, pour des ombres pleurardes et non pour des hommes.

Ses yeux se passionnaient pour la dispute engagée et pétillaient ardemment. Elle voulut tenter de me convaincre et de me gagner à sa foi :

— Mon Ciel, reprit-elle, est le vrai séjour des Bienheureux !

Je ripostai avec énergie :

— Le seul séjour des Bienheureux est le Walhalla ! Car, songez-y bien ! Qui se soucie des fleurs, quand elles fleurissent toujours ? Mais, quand l’hiver de fer a pris fin, quand le soleil chasse au loin les longues nuits, quand les premières fleurs brillent à la surface de la neige fondante, alors, alors seulement, l’âme et nos yeux ne cessent de regarder… Et le feu ! Le feu glorieux et sublime ! Quel peut bien être votre Paradis, où l’on ignore la joie d’un feu qui ronfle sous un toit bien clos, tandis qu’au dehors font rage le vent et la neige ?

Miriam sourit doucement.

— Vous êtes, là-bas, des simples, dit-elle. Vous élevez un toit parmi la neige, vous y allumez un grand feu, et cela suffit pour vous constituer un Ciel.

— Ce feu et ce toit, je ne les ai pas connus toujours, dans ma vie ! Durant trois ans, j’en ai été privé. Je n’ai pas fléchi cependant. À seize ans, mon corps ignorait ce qu’est une étoffe tissée. Je suis né dans la tempête et la bataille, et c’est pourquoi je les aime ! Mon maillot fut une peau de loup. Regardez-moi, et vous saurez quels sont les hommes qui peuplent le Walhalla…