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LE VAGABOND DES ÉTOILES

Hans Amden fut le premier qui nous quitta. Jacob Brinker, son compagnon de route habituel, nous en apporta la nouvelle. Brinker fut le dernier des huit. Il avait presque quatre-vingt-dix ans quand il mourut, et dépassait Tromp de deux ans environ. Je me souviens comme si c’était hier, de cette paire d’amis qui, au terme de leur vie, faibles et usés, en guenilles de mendiants, se chauffaient côte à côte, au soleil, leur sébile à côté d’eux, sur les falaises de Fusan. Ils caquetaient de leurs voix aigres, semblables à des voix d’enfants, et se faisaient mutuellement mille contes du passé. Tromp rabâchait sans cesse, entre ses gencives, comment Johannes Maartens et ses quatre matelots, dont il était, violèrent les sépultures des Rois, sur la montagne de Tabong, comment ils trouvèrent chacun d’eux embaumé dans son cercueil d’or, entre deux vierges, à leur droite et à leur gauche, embaumées comme eux ; comment, enfin, ces superbes revenants, reparus au jour, s’émiettaient en poussière, tandis que Johannes Maartens et ses quatre matelots juraient et suaient à grosses gouttes, en brisant leurs cercueils.

Aussi vrai que c’était là un coup magnifique, Johannes Maartens se serait enfui avec son butin, sur la Mer Jaune, sans ce brouillard où, le lendemain, il se perdit. Maudit brouillard ! On en fit une chanson que, jusqu’à mon dernier jour, j’entendis, en serrant les poings, chanter en Corée. « Yanggukeni chajin anga Wheanpong tora deunda… », disait-elle.

Ce qui peut se traduire ainsi : « Sur la cime du Whean se prépare, pour les hommes de l’Ouest, un brouillard épais… »

Oui, quarante ans durant, je fus un mendiant sur la terre coréenne. De tous mes compagnons, bannis comme moi sur les grandes routes, je survécus le dernier. Lady Om avait, elle aussi, la vie dure, et nous vieillîmes ensemble.

Elle était devenue, à la fin, une vieille femme édentée