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SEIGNEUR ! UN PAUVRE MATELOT…

seuses qui l’avaient entrepris, fonça vers moi. Il me mâchonna :

— Pour l’amour de Dieu, mon vieux, fais ton effet, et tire-nous de là…

Je dis qu’il me mâchonna, car, chaque fois qu’il ouvrait la bouche pour parler, les trois Danseuses la lui bourraient de bonbons.

Il continua, tant bien que mal, en inclinant alternativement la tête de droite et de gauche, afin, d’éviter les mains pleines de bonbons, qui s’acharnaient :

— Ces singeries sont déplorables pour notre dignité. Elles vont nous couler. Nous sommes réduits à l’état d’animaux savants. Je t’envie et regrette de ne pouvoir t’imiter dans ta résistance. Ah ! les garces ! Continue à te faire respecter d’elles. Et fais-nous respecter aussi…

Il se tut, de force, car les terribles jeunes filles avaient complètement obstrue sa bouche de leurs bonbons.

J’avais compris, cependant, et mon audace naturelle en fut alertée. Un eunuque qui, derrière moi, me chatouillait le cou avec une longue plume, me fit démarrer soudain.

Les jeunes danseuses, qui n’avaient réussi à rien avec moi, observaient d’un œil attentif le manège de l’eunuque. Réussirait-il là où elles avaient échoué ? Je ne laissai rien transpercer de mon dessein. Mais, tout à coup, rapide comme la flèche, sans même tourner la tête ni le corps, j’allongeai le bras et appliquai au bonhomme, en plein sur la figure, une maîtresse gifle arrière.

Ma main s’aplatit magnifiquement sur sa joue et sur ses mâchoires. Il y eut un craquement, comme celui d’une planche de la coque d’un navire qui se fend sous la tempête, et l’eunuque roula sur lui-même, comme une boule qui ne s’arrêta sur le plancher qu’à douze pieds de moi.

Les rires cessèrent. Ils firent place à des cris de surprise, et j’entendis chuchoter : « Yi-Yong-ik ! » Je recroisai mes bras et demeurai sur place, superbe d’orgueil.