vai, se débattant, sur mes épaules, où je le maintins solidement. En sorte que les hommes de Kim, qui déjà avaient ouï parler de mon sobriquet de Yi-Yong-ik, le Tout-Puissant, ne me donnèrent plus désormais, d’autre nom.
Kim était plutôt grand pour un Coréen, race de haute stature et bien musclée. Et lui-même se tenait en haute estime sur ce chapitre. Mais, coude à coude et paume à paume, je lui faisais baisser le bras à volonté. Aussi les soldats et les badauds, qui s’assemblaient sur notre passage dans les hameaux que nous traversions, me regardaient-ils bouche bée, en murmurant : « Yi-Yong-ik ! »
Nous demeurions promus, en effet, à la dignité de ménagerie ambulante. Notre renommée nous précédait, et les gens de la campagne environnante accouraient en foule, pour nous voir défiler. Ils s’alignaient tout le long de la route, comme au passage d’un cirque. La nuit, les auberges où nous logions étaient assiégées par une multitude avide de nous contempler. Nous n’avions un peu de repos qu’après que les soldats avaient repoussé cette cohue à coups de lance, et avec maints horions. Auparavant, Kim faisait appeler les hommes les plus forts, les lutteurs les plus renommés, et se divertissait énormément, ainsi que la foule, à me voir les mettre en marmelade et les abattre dans la boue, les uns après les autres.
Le pain était ignoré, mais nous avions en abondance du riz bien blanc (excellent pour les muscles et dont je ressentis longtemps les bienfaits), ainsi qu’une viande que je découvris rapidement être de la viande de chien, animal qui est régulièrement abattu dans les boucheries coréennes. Le tout assaisonné de pickles effroyablement épicés, mais que je finis par aimer à la passion. Pour boisson, un autre breuvage blanc, mais limpide et montant fortement à la tête, qui provenait de la distillation du riz, et dont une pinte aurait suffi à tuer un malportant, si elle ravigotait merveilleusement un homme fort, au point même de le rendre à peu près fou.