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RÊVES D’OPIUM OU RÉALITÉS ?

— C’est du bluff ! je le répète… répondit le gouverneur. Délace-le, Hutchins.

Je murmurai derechef, car la vie en moi était devenue si faible, qu’il me fallait réunir le peu de forces qui me restaient, et y joindre toute ma volonté, pour pouvoir émettre seulement ce murmure :

— Pourquoi cette hâte, gouverneur ? Oui, pourquoi cette hâte ? Je n’ai pas de train à prendre. Et je suis si diantrement à l’aise dans ma situation que je préfère, mille lois, n’être pas dérangé.

On me délaça cependant et on me roula sur le sol, hors de la fétide camisole, comme un paquet inerte et impuissant.

Le capitaine Jamie se pencha sur moi.

— Je ne m’étonne pas, dit-il, qu’il se trouvât bien là dedans. Il ne sent rien. Il est paralysé.

— Paralysé comme votre vieille grand’mère ! ricana le gouverneur. Du bluff ! vous dis-je. Mettez-le un peu sur ses pieds et vous verrez s’il ne tient pas debout.

Hutchins et le docteur réunirent leurs efforts pour me redresser.

Quand ce fut fait :

— Lâchez maintenant ! commanda Atherton.

La vie n’avait pu, tout naturellement, revenir d’un seul coup dans mon corps, qui, dix jours durant, avait été comme mort. Le résultat en fut que, n’ayant sur ma matière aucune influence, je flageolai sur les genoux, tanguai en des torsions diverses et, finalement, vins m’écraser le front contre le mur de ma cellule.

— Vous voyez bien ! dit le capitaine Jamie.

— Oui, oui, bien joué ! s’obstina le gouverneur Atherton. Cet homme a du cran, je le reconnais. C’est un simulateur admirable !

— Vous parlez d’or, gouverneur, murmurai-je, allongé par terre, je l’ai fait exprès. C’est une chute de comédie, Relevez-moi encore et je recommencerai. Je vous promets beaucoup à rire…