Page:London - Le Vagabond des étoiles.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.
2
LE VAGABOND DES ÉTOILES

enlisés dans la boue, ramper mille araignées répugnantes, mille créatures immondes, courant sur leurs pattes innombrables ou se traînant sur leurs ventres ; lorsque dansaient devant tes prunelles closes des formes cauchemardantes, inconnues, et que tu voyais se lever ou se coucher d’étranges soleils qui ne sont point de ce monde ; tout cela, peut-être, n’était point un vain rêve de ton imagination échauffée et fiévreuse.

Sais-tu d’où venaient ces visions déconcertantes et si elles n’avaient point leur origine dans d’autres vies antérieures, vécues par toi dans d’autres mondes que tu avais connus ?

Peut-être, quand tu m’auras lu, te seras-tu fait une opinion plus précise sur toutes ces troublantes questions, qui sans doute te laissaient jusque-là perplexe.

En vérité, je te le dis, les ombres de notre nouvelle prison nous enveloppent, dès notre naissance, et nous oublions bien trop vite le passé. Et lorsque parfois il s’évoque devant nous, tandis que nous sommes encore dans les bras de notre mère ou que nous courons à quatre pattes sur le plancher, il ne produit en nous que la peur et l’épouvante. Car ces deux sentiments, venus d’une expérience préalable, dont nous avons gardé la confuse mémoire, sont innés chez l’enfant.

En ce qui me concerne, je me souviens fort bien qu’à l’époque lointaine où je n’étais qu’un marmot balbutiant, un petit être tendre, émettant de vagues vagissements, pour exprimer sa faim ou son besoin de sommeil, je me souviens, oui, que j’avais la notion très nette d’existences antérieures.

Moi dont les lèvres n’avaient jamais émis le mot « Roi », moi dont l’oreille ne l’avait jamais entendu prononcer, je me remémorais avoir été jadis le fils d’un Roi. Et aussi d’avoir été un esclave et un fils d’esclave, et avoir, autour du cou, porté un collier de fer.

Lorsque j’eus quatre ou cinq ans et, que, sans être encore moi-même, je commençais à sentir ma personna-