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LA GRANDE TRAHISON DES MORMONS

roulait le soir, et qui étaient serrées, le jour, dans un des chariots qui s’en chargeait.

Le matin suivant, advint le grand désastre.

Après deux jours de voyage au delà des Mormons, persuadés qu’il ne se trouvait pas d’Indiens, nous avions, comme je l’ai dit, négligé de former le cercle complet de nos chariots, et nous avions abandonné le bétail à paître en liberté, sans personne pour le garder.

Mon réveil fut pareil à un cauchemar imprévu, Ce fut comme un coup de trompette soudain, qui me fit sursauter et me laissa stupide, quelques instants durant.

Je demeurai là, comme hébété, identifiant, à mesure que je sortais de ma torpeur, les bruits variés, qui concouraient à former dans leur ensemble un vacarme effroyable : explosions, proches et éloignées, des fusils ; cris et injures des hommes ; clameurs aiguës des femmes et braillements des enfants. Bientôt je démêlai le bruit sourd et le crissement des balles, qui venaient frapper le fer des roues et la caisse des chariots.

Je compris que ceux qui tiraient sur nous visaient trop bas.

Je voulus me lever. Mais aussitôt ma mère, qui était en train de s’habiller, me força, sous la pression de sa main, à me recoucher de tout mon long. Mon père était déjà levé et, descendu du chariot, examinait la situation.

Il fit tout à coup irruption près de nous, en criant :

— Dehors, tous, vite ! À terre !

Sans perdre de temps, il m’empoigna rudement de la main, comme avec un harpon, et me jeta, plus qu’il ne me poussa, vers l’extrémité du chariot d’où je sautai sur le sol.

J’y étais à peine que mon père, ma mère et le bébé dégringolaient, pêle-mêle, à ma suite.

— Creuse, Jesse ! me cria mon père. Fais comme moi !

À son imitation, je me creusai un trou dans le sable derrière l’abri d’une des roues du chariot. Nous grattions