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LE VAGABOND DES ÉTOILES

petite tombe fraîchement recouverte. C’était celle du bébé Wainwright, que ses parents étaient venus, dans la nuit, ensevelir là. Et ce n’était pas la première que nous avions semée sur notre passage, depuis que nous avions franchi les montagnes.

Ce Laban était un homme vraiment sinistre, avec sa maigreur, son long profil aux joues creuses, ses cheveux nattés et roussis par le soleil, qui retombaient plus bas que ses épaules, sur sa chemise en peau de daim. Un mélange de haine, de rage et de désespoir tordait sa face, tandis que, d’une main, il étreignait son long rifle et la bride de son cheval, et qu’il secouait son autre poing vers Cedar City, qui allait bientôt disparaître derrière la petite colline que nous achevions de gravir.

De toutes ses forces, il cria :

— Maudits ! Soyez maudits de Dieu, vous, vos enfants nés, et ceux qui sont à naître ! Puisse la sécheresse anéantir vos récoltes ! Puissiez-vous n’avoir, pour vous nourrir, que du sable assaisonné avec du venin de serpents à sonnettes ! Puisse l’eau fraîche de vos sources se transformer en amer et brûlant alcali ! Puisse…

Je n’entends pas la suite. Les paroles de Laban furent étouffées par le bruit de nos chariots. Mais je le vis qui, les épaules dressées, brandissant toujours son poing, continuait à jeter sa malédiction.

Toute la caravane pensait comme lui et il avait interprété le sentiment général. Toutes les femmes, en passant devant la petite tombe, se penchaient hors des chariots, brandissant aussi leurs bras décharnés, secouant leurs poings osseux et déformés par le travail, et crachant leur haine aux Mormons. Un homme qui allait à pied, et avait la charge d’aiguillonner les bœufs du chariot qui suivait le nôtre, agita son aiguillon vers Cedar City, en éclatant de rire. Et ce rire était plus lugubre encore que toutes les clameurs de haine.

Tandis que la caravane continuait, à rouler, je demeurai longtemps à regarder en arrière, vers Laban,