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LE VAGABOND DES ÉTOILES

sous le soleil de plomb et la poussière qui nous mordait les yeux, sur cette terre maudite aux rares broussailles de sauge. Nous ne rencontrâmes, de toute la journée, aucune habitation humaine, ni bétail, ni trace de culture, ni signe quelconque de vie. À la nuit tombante, nous fîmes halte comme la veille et formâmes notre cercle de chariots près d’un ruisseau tari, où nous recommençâmes à creuser dans le sable de nombreux trous, qui lentement s’emplirent du suintement de l’eau.

Plusieurs fois se renouvelèrent de semblables étapes, suivies de pareilles haltes, où toujours les chariots enchaînés formaient le cercle pour la nuit. Ce voyage paraissait à mon esprit d’enfant fastidieux au delà de tout Et toujours se poursuivait et se marquait davantage cette même impression, que le sort nous poussait, implacable et fatidique, suspendant sur nos têtes ses périls inconnus.

Nous couvrions en moyenne quinze milles par jour. Je le savais parce que mon père avait dit qu’il y avait soixante milles jusqu’à Fillmore, la colonie prochaine de Mormons. Ce qui se traduisait par quatre jours de voyage.

À Fillmore les habitants nous furent hostiles, comme ils l’avaient été partout depuis le Lac Salé. Ils se moquaient de nous, tandis que nous tentions de parlementer pour acheter des vivres. Ils nous insultaient copieusement, en nous traitant de « Missouriens ».

Lorsque nous fîmes notre entrée dans cette localité, nous remarquâmes, attachés devant la plus importante de la douzaine de maisons qui formaient la colonie, deux chevaux de selle, tout poussiéreux et striés de sueur, qui paraissaient fourbus.

Le vieillard aux longs cheveux cuits par le soleil, à la chemise de peau de daim, qui semblait servir à mon père de lieutenant et de factotum, et qui, sur sa haridelle, marchait à côté de notre chariot, désigna, d’un coup sec de sa tête, les deux chevaux.