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À TRAVERS LES ÉTOILES

Je me trouvais, moralement, dans un état assez semblable à celui qui est à cheval sur les frontières de la veille et du sommeil. Il me paraissait également que mon cerveau se dilatait de façon prodigieuse dans ma boîte crânienne, qui, elle, ne s’élargissait pas. J’avais par moments, dans les yeux, des éclats de clarté, pareils à des éclairs.

Cette dilatation de mon cerveau me rendait fort perplexe. Sa périphérie me semblait non seulement dépasser le réceptacle de mon crâne, mais continuer à s’étendre.

Simultanément, se déployaient autour de moi le temps et l’espace. J’avais les yeux fermés, et cependant j’avais conscience que les murs de ma cellule s’étaient reculés, au point qu’elle formait maintenant une vaste salle. Je songeai, durant une seconde, que si les murs de la prison avaient fait de même, ils devaient déborder bien au delà de San Quentin et se prolonger, d’un côté, jusqu’à l’Océan Pacifique, de l’autre, jusqu’aux Montagnes Rocheuses.

Je songeai aussi, et cela m’amusa, que si la matière pouvait pénétrer la matière, les murs de la cellule pouvaient aussi bien pénétrer ceux de la prison, passer au travers, et que je me trouverais ainsi, automatiquement, en liberté.

L’extension du temps n’était pas moins remarquable. Mon cœur ne battait qu’à intervalles éloignés. La fantaisie me prit, de compter les secondes entre chacun de ses battements. Je le fis avec sûreté et précision tout d’abord, et relevai, entre chacun d’eux, jusqu’à cent secondes. Puis il me parut que ces intervalles s’allongeaient démesurément, si bien que je me fatiguai de ce calcul.

Dans ce demi-rêve où j’étais, un problème imprévu vint soudain se poser devant moi. Morrell m’avait bien dit qu’il avait gagné la liberté de l’esprit en tuant son corps. Or mon corps était mort presque entièrement, et j’avais la certitude qu’une dernière concentration de