Page:London - Le Tourbillon, trad Postif, 1926.djvu/90

Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’eau dans les veines, de l’eau de Contra-Costa quand il pleut très fort dans la montagne.

— Je… je ne savais pas que c’était ça la boxe de profession, balbutia-t-elle, lâchant les guides et se renfonçant près de lui.

— Ce n’est pas la boxe, c’est le public qu’elle attire, riposta-t-il ardemment. Naturellement, les combats sont malsains pour les jeunes hommes qu’ils esquintent. Mais ce qui me répugne le plus, ce sont les voyous qui fréquentent les assauts. Toutes leurs flagorneries, tous leurs éloges me font l’effet d’insultes. Vous comprenez ? cela me rabaisse. Un tas de boit-sans-soif qui craindraient de toucher un chat malade, indignes d’aider un homme comme il faut à mettre son pardessus ; les voyez-vous juchés sur leurs pattes de derrière, braillant des encouragements à mon adresse, à moi !… Ah, Ah ! comment trouvez-vous ça ?

Un gros bouledogue traversa la rue obliquement et en silence, sans paraître s’inquiéter de l’attelage qu’il évitait. Il avait passé si près de Prince que celui-ci, montrant les dents comme un étalon, avait plongé la tête en avant pour essayer de happer le chien.

— C’en est un batailleur, ce Prince ! Et chez lui c’est naturel. S’il a fait cet effort, ce n’est pas pour être applaudi par la racaille, mais par pur dépit et pour son propre plaisir. Ça, c’est bien, c’est franc, c’est spontané. Mais tous ces habitués des arènes ! Ma parole, Saxonne !…

Saxonne le regardait de côté, tandis qu’il guidait attentivement ses chevaux à travers les rues désertes de ce dimanche matin, les retenant et les détournant instantanément pour éviter deux enfants qui zigzaguaient dans une voiturette. Elle découvrait en lui des profondeurs et des intensités, tous les symptômes magiques d’un caractère puissant, des lueurs suggestives et des colères sérieuses, des indifférences glaciales et lointaines comme les étoiles, une sauvagerie aiguisée comme celle du loup et franche comme celle de l’étalon,