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Elle avait déjà fait des promenades en buggy, mais toujours derrière une unique haridelle, sur quelque voiture haute, lourde et malpropre comme celles que recherchent les loueurs à cause de leur solidité à toute épreuve. Maintenant, devant elle, se dressaient deux alezans jeunes et superbes, qui encensaient avec impatience, et dont la robe luisante comme du satin proclamait qu’ils n’avaient jamais été loués de leur vie. Une flèche d’une minceur invraisemblable les séparait, et tout leur harnachement paraissait extraordinairement léger et fragile. Et Billy semblait ici à sa place. Comme en vertu d’un droit élémentaire, il trônait en maître de cet équipage, sur le siège étroit et haut, entre les roues larges et jaunes, au milieu de ce gréement poli par l’astiquage et fin comme une toile d’araignée, efficace et résistant, aussi différent de l’attelage ordinaire que son conducteur différait des hommes qui l’avaient mené derrière des chevaux lourds et endormis. Il tenait les rênes d’une seule main, et contenait ces bêtes jeunes et nerveuses en leur parlant d’une voix basse et tranquille, où l’on sentait sa volonté et sa force.

Ce n’était pas le moment de s’attarder. Avec son coup d’œil rapide et son intuition féminine, Saxonne aperçut non seulement les enfants curieux attroupés autour d’eux, mais des faces adultes regardant furtivement par les fenêtres et portes ouvertes ou dans l’entrebâillement des rideaux. Billy, de sa main libre, repoussa la robe de toile et aida la jeune fille à s’asseoir à côté de lui. Le siège de cuir brun à dossier haut et bien rembourré lui donna une sensation de grand confort mais elle se sentit encore plus réconfortée par le voisinage physique et rassurant de l’homme assis près d’elle.

— Comment les trouvez-vous ? demanda-t-il, prenant les rênes à deux mains et excitant les chevaux qui partirent comme un trait, avec une rapidité surprenante. Ils appartiennent au patron, vous savez. On ne trouverait pas à louer des animaux comme ceux-là. Il me les