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faut que je m’en aille. Va t’asseoir quelque temps auprès d’elle, et peut-être qu’elle s’endormira. Mais ne la presse pas, laisse-la faire à sa guise. Si elle te laisse prendre sa main, prends-la. Essaie de toute façon. Mais avant tout, naturellement, et comme entrée en matière, commence par mouiller la serviette qu’elle a sur les yeux.

Tom était un brave homme, de caractère accommodant ; mais, comme la majorité des gens de l’Ouest, il était peu démonstratif. Il fit un signe de tête, tourna vers la porte pour obéir, puis s’arrêta indécis. Il regarda Saxonne avec un amour tout fraternel et une reconnaissance presque canine. Elle comprit ses sentiments, et son cœur bondit vers lui…

— C’est bon, tout va bien, cria-t-elle vivement.

Tom secoua la tête et haussa les épaules.

— Non, ce n’est pas bien ! C’est honteux, scandaleux ! Oh ! pour moi, ça m’est égal. Mais c’est pour toi que je souffre. Tu as la vie devant toi, petite sœur chérie. La vieillesse viendra assez vite, avec tout ce qui s’ensuit. Mais c’est un mauvais début pour un jour de congé. Le mieux c’est d’oublier tout ça, de filer avec ton bon ami et de te payer du bon temps.

La porte ouverte, la main posée sur le bouton pour la refermer après lui, il s’arrêta une seconde fois. Ses sourcils se froncèrent.

— Enfer ! quand on y pense ! Dire que Sarah et moi allions jadis nous promener en buggy ! Et je te prie de croire qu’elle avait trois paires de souliers, elle aussi. Peut-on rien imaginer de plus fort !

Saxonne acheva de s’habiller dans sa chambre ; un instant elle monta sur une chaise pour s’assurer dans le miroir que les plis de sa jupe de toile tombaient bien. C’était une jupe de confection ; elle l’avait retouchée, ainsi que sa jaquette, et avait refait les coutures à petits points pour obtenir l’effet d’un costume sur mesure. Encore perchée sur sa chaise, dans un éclair d’intuition, elle tira et releva sa jupe bien en arrière. L’effet lui