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père dit qu’elle est stupide, et il le dit à son nez et au tien. Ce n’est qu’une pauvre idiote. Bientôt il dira qu’elle est toquée et la fera enfermer dans un asile. Et que diras-tu de cela, toi, Willie, quand tu verras ta mère enfermée dans une cellule capitonnée, avec la camisole de force, privée de la lumière du jour et battue comme une négresse avant la guerre, battue à coups de gourdin ? Voilà le genre de père que tu as, Willie. Penses-y, mon enfant… dans une cellule capitonnée… la mère qui t’a porté dans son sein… avec les aliénés hurlant et tournoyant autour d’elle, et de la chaux vive pour ronger les cadavres de ceux qui ont été battus à mort par les cruels gardiens…

Elle continua, inlassable, peignant sous des couleurs pessimistes l’avenir de plus en plus noir que lui réservait son mari, tandis que le jeune garçon, appréhendant vaguement quelque incompréhensible catastrophe, versait des larmes silencieuses, la lèvre inférieure pendante et tremblante. Saxonne, un instant, perdit patience.

— Oh ! pour l’amour de Dieu, s’écria-t-elle, ne pouvons-nous rester cinq minutes ensemble sans nous quereller ?

Sarah interrompit ses évocations de cabanon et se tourna vers sa belle-sœur.

— Qui est-ce qui cherche noise ? N’ai-je pas le droit de dire ce que je pense sans que vous me tombiez dessus tous les deux ?

Saxonne haussa les épaules en désespoir de cause, et Sarah se retourna contre son mari.

— Puisque tu aimes ta sœur infiniment mieux que ta femme, pourquoi m’as-tu épousée, moi qui ai porté tes enfants et qui t’ai servi d’esclave, et qui ai turbiné pour toi et qui me suis usé les ongles à ton service sans aucun remerciement que d’être insultée devant mes enfants et de m’entendre dire que je suis tapée ? Et qu’as-tu jamais fait pour moi ? C’est ce que je voudrais savoir, moi qui t’ai fait la cuisine, et lavé tes