Page:London - Le Tourbillon, trad Postif, 1926.djvu/70

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je vous prie de me laisser tranquille, dit-elle d’un ton vexé. Ne pouvez-vous vous conduire comme il faut, rien que pour une fois ?

Le forgeron fit entendre un rire déplaisant.

— Si quelque andouille croit pouvoir s’interposer entre vous et moi, il découvrira son erreur, et je me charge de la lui montrer. Vendredi soir, hein ? Où ça ?

— Je ne vous le dirai pas.

Elle serrait les lèvres, déterminée à se taire, et ses joues étaient empourprées par la colère.

— Heu ! Comme si je ne pouvais pas deviner ! C’est à la salle Germania. Eh bien, j’y serai, et je vous reconduirai chez vous. Vous saisissez ? Et vous pourrez dire au greluchon qu’il fera bien de se trotter s’il ne veut pas avoir la figure abîmée.

Comme toute femme blessée dans sa dignité par un traitement cavalier, Saxonne fut tentée de proclamer le nom et les prouesses de son nouveau défenseur. Puis une crainte l’assaillit. Le forgeron était dans toute la force de l’âge et Billy n’était qu’un jeune homme, ou du moins le paraissait. Se rappelant la première impression que lui avaient faite ses mains, elle jeta un rapide coup d’œil sur les pattes de son voisin. Elles paraissaient deux fois plus grosses que celles de Billy, et leurs touffes de poils annonçaient une puissance terrible. Non, Billy ne pourrait battre cette grosse brute : il ne fallait pas qu’il essayât. Puis Saxonne conçut un léger et malicieux espoir. En vertu de cette capacité mystérieuse et inimaginable dont sont doués les boxeurs professionnels, peut-être Billy pourrait-il rosser ce croquemitaine et la débarrasser de lui. Au prochain coup d’œil le doute lui revint, car elle avait entrevu ses larges épaules, le drap de son paletot soulevé par les muscles, et les manches bombant sur les biceps.

— Si vous avez le malheur de toucher aux gens avec qui je me trouve… commença-t-elle.

— Eh bien, ils s’en trouveront mal, naturellement,