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— Dans ce cas vous feriez mieux d’aller vous repaître, lui conseilla-t-elle, bien qu’elle comprît la futilité de cet effort pour se débarrasser de lui.

Elle entendit à peine sa réponse. Elle ressentait l’impression d’être très lasse, très petite et très faible auprès de ce colosse. Serait-il toujours attaché à ses pas ? Elle se le demanda avec angoisse, et entrevit comme une morne avenue toute sa vie à venir, hantée par la silhouette lourde du forgeron.

— Allons, ma petite, il faut franchir le pas, continuait-il. Voilà le bon vieil été : c’est la saison pour se marier.

— Mais je ne veux pas me marier avec vous ! protesta-t-elle. Je vous l’ai déjà dit mille fois.

— Bah ! oubliez ça. Il faut chasser ces idées-là de votre caboche. Mais si, vous m’épouserez, naturellement. C’est une affaire entendue, et je vais vous en dire une autre. Vous et moi nous prenons le bac pour San-Francisco vendredi soir. Il y aura une bonne soirée chez les maréchaux-ferrants.

— Mais je n’y vais pas, déclara-t-elle.

— Oh, si, vous irez, affirma-t-il avec une assurance absolue. Nous reviendrons par le dernier bateau, et vous vous pousserez de l’agrément. Je vous placerai à côté de quelques bons danseurs. Oh ! je ne suis pas mesquin, et je sais que vous aimez la danse.

— Mais je vous répète que je n’irai pas.

Il lui jeta un regard soupçonneux par-dessous les touffes de sourcils noirs qui se rejoignaient sur son nez.

— Qui vous en empêche ?

— Je suis retenue, dit-elle.

— Qui est le gigolo ?

— Ce n’est pas votre affaire, Charley Long. J’ai unrendez-vous, voilà tout.

— J’en ferai mon affaire. Vous n’avez pas oublié ce drôle de paltoquet de comptable ? Tâchez de vous souvenir de lui et de ce qu’il a pris.