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haine ; Butch serait devenu un ennemi, et tout cela n’aurait servi de rien à Lily. Tandis que Billy avait fait juste ce qu’il fallait ; de propos délibéré, avec une lenteur imperturbable, et en causant le moins de tort possible à chacun. Tout cela, pour Saxonne, le rendait de plus en plus désirable et de moins en moins accessible.

Elle acheta une paire de bas de soie neufs que depuis plusieurs semaines elle hésitait à se payer, et veilla tard le mardi pour se coudre une nouvelle chemisette, ce qui lui valut d’aigres plaintes de Sarah au sujet de sa dépense extravagante de gaz.

Le mercredi soir, à la salle de danse de l’Orindore, son plaisir ne fut pas exempt de mélange. C’était une honte de voir les filles courir après Billy, et par moments Saxonne se sentait presque irritée de la façon cavalière dont il les traitait. Cependant elle dut s’avouer qu’il ne blessait les sentiments d’aucun autre homme autant que ces femmes la mortifiaient. C’est tout juste si elles ne l’invitaient pas à danser, et aucun détail de cette poursuite éhontée n’échappait à Saxonne. Elle résolut de ne pas encourir le reproche de se jeter à sa tête, et se réserva d’avance un assez grand nombre de danses ; un frisson intime l’avertissait qu’elle poursuivrait la bonne tactique en lui démontrant qu’elle était désirable pour d’autres hommes, comme lui pour d’autres femmes.

Une joie l’envahit lorsque, réfutant tranquillement ses objections, il insista pour obtenir deux danses de plus qu’elle n’avait promis. Elle éprouva un plaisir mêlé d’irritation quand elle surprit ces réflexions échangées entre deux jeunes et fortes filles d’atelier :

— Ce que cet avorton l’accapare !… On s’attendrait à ce qu’elle ait le bon goût de courir après quelqu’un de son âge… Elle les prend au berceau !

Ce trait final fit monter le rouge de la colère aux joues de Saxonne au moment où les jeunes filles s’éloignaient, ignorant qu’elle les avait entendues.

Billy la reconduisit chez elle, l’embrassa à sa porte,