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sienne et l’attira vers lui. Elle résista faiblement mais honnêtement. C’était la coutume, et elle sentait qu’elle n’aurait pas dû se laisser faire par crainte d’un malentendu de sa part. Pourtant elle désirait l’embrasser comme jamais elle n’avait souhaité le baiser d’aucun homme. Quand elle reçut le sien, la figure levée vers lui, elle comprit que de sa part c’était un baiser honnête, dépourvu de toute arrière-pensée. Rude et doux comme lui-même, il était presque virginal, et ne décelait pas une longue pratique dans l’art de prendre congé. Après tout, pensa-t-elle, tous les hommes n’étaient pas des brutes.

— Bonne nuit ! murmura-t-elle.

La porte grinça sous sa poussée et elle se hâta dans l’étroite allée qui contournait la maison.

— À mercredi, cria-t-il doucement.

— À mercredi, répondit-elle.

Mais dans l’ombre de l’allée, entre les deux maisons, elle s’arrêta et se plut à écouter ses pas sonores sur le trottoir de ciment. Elle ne s’en alla qu’après en avoir entendu mourir l’écho. Doucement, elle grimpa l’escalier de derrière et traversa la cuisine pour gagner sa chambre, en remerciant le ciel que Sarah fût endormie.

Elle alluma le gaz, et, en ôtant son petit chapeau de velours, elle sentit que ses lèvres palpitaient encore du baiser reçu. Pourtant cette démonstration ne signifiait rien ; c’était une habitude ; tous les jeunes gens en faisaient autant. Mais leurs baisers d’adieu ne l’avaient jamais fait vibrer, tandis que celui-ci frémissait dans sa cervelle autant que sur ses lèvres. Qu’est-ce que cela voulait dire ? Sous une impulsion soudaine, elle se regarda dans la glace. Ses yeux brillaient de bonheur. La teinte rose qui affluait si facilement à ses joues s’y épanouissait en ce moment. Son image était charmante. Elle sourit, beaucoup de plaisir, un peu d’admiration, et le sourire s’accentua en découvrant deux rangées de dents blanches et bien plantées. Pourquoi cette figure ne plairait-elle pas à Billy ? se demanda-t-elle silencieuse-