Page:London - Le Tourbillon, trad Postif, 1926.djvu/53

Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’avait pas d’oreille : pas un instant il n’avait chanté juste.

— Je chante rarement, ajouta-t-il.

— Vous pouvez l’en croire ! s’écria Bert, sans quoi ses amis le tueraient.

— On se moque toujours de mon chant, dit-il à Saxonne d’un ton plaintif. Franchement, le trouvez-vous si mauvais que ça ?

— C’était peut-être un peu bas, avoua-t-elle à contrecœur.

— Il ne me fait pas cet effet-là, protesta-t-il. C’est une véritable cabale, et je parie que c’est Bert qui vous a prévenue contre moi. Maintenant gazouillez-nous quelque chose, Saxonne. Je suis sûr que vous vocalisez bien ; je peux le dire rien qu’en vous regardant.

Elle chanta : Une fois la moisson passée… Bert et Marie se mirent à l’unisson. Mais quand Billy essaya d’en faire autant, Bert l’en dissuada par un coup de pied dans les tibias. Saxonne possédait une véritable voix de soprano, faible, mais claire et juste, et elle avait conscience qu’elle chantait pour Billy.

— Ah ! ça, c’est du chant ! s’écria-t-il quand elle eut fini. Recommencez. Allez-y. Vous savez y faire. C’est magnifique !

Sa main se glissa vers la sienne et l’emprisonna, et elle, en chantant, se sentit réchauffée par cette étreinte virile.

— Regarde-les se tenir les mains ! plaisanta Bert. Ils se cramponnent l’un à l’autre comme s’ils avaient peur. Ce n’est pas comme Marie et moi. Gigotez un peu, si vous avez froid aux pieds. Rassemblez vos esprits. Sans quoi, ça me semblera drôle. Déjà je soupçonne quelque chose. Vous êtes en train de tirer des plans.

Il n’y avait pas à se méprendre sur son insinuation, et Saxonne sentit ses joues s’empourprer.

— Reprends tes esprits toi-même, Bert, remontra Billy.