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eût dit qu’ayant un certain travail à accomplir, il s’était mis à l’œuvre avec une obstination de dogue.

Elle ne discerna guère plus d’expression sur son visage, bien différent pourtant de celui qu’elle avait vu toute la journée. La naïveté adolescente s’en était évanouie. C’était le visage d’un homme mûr, ou plutôt d’un être sans âge, quelque chose de terrifiant. Il n’était même pas impitoyable, mais semblait vitrifié, comme ses yeux, dans une dureté impassible. La jeune fille se remémora les bribes d’histoires extraordinaires que sa mère lui racontait au sujet des anciens Saxons, et Billy lui apparut comme un individu de cette race : elle entrevit comme dans un songe une longue barque sombre, dont la proue se relevait en bec d’oiseau de proie, montée par des guerriers demi-nus, coiffés de casques ailés, sous l’un desquels il lui semblait reconnaître le visage de Billy. Elle ne raisonnait pas tout cela ; elle le sentait et le projetait en vision par une sorte de clairvoyance inexplicable. Elle émit un soupir convulsif… L’émoi de la bataille était passé. Elle n’avait duré que quelques secondes. Bert dansait sur le bord de la pente glissante et raillait les vaincus impuissants qui avaient roulé au fond.

Mais Billy assuma la conduite de la troupe.

— Venez, Mesdemoiselles, ordonna-t-il. Reprends tes esprits, Bert. Il faut nous dépêtrer d’ici. Nous ne pouvons pas combattre une armée.

Il saisit le bras de Saxonne et dirigea la retraite, tandis que Bert, sautillant et jubilant, traînait à l’arrière-garde une Marie indignée qui prodiguait de vaines protestations à son oreille distraite.

Pendant une centaine de mètres ils coururent en contournant les taillis, puis, tout indice de poursuite faisant défaut, ils ralentirent au pas de promenade. Bert, infatigable chercheur de plaies et bosses, dressa soudain l’oreille et s’écarta pour sonder la provenance d’un bruit assourdi de coups et de plaintes.