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tique gandin qui ne connaissait âme qui vive dans toute cette foule. En tous cas, s’il a voulu provoquer une bagarre, il a bien réussi. Regardez ! On se bat partout !

Il éclata d’un rire soudain, et de si bon cœur que les larmes lui vinrent aux yeux.

— Qu’y a-t-il ? demanda Saxonne, désireuse de ne rien perdre du spectacle.

— Rien, je pense à ce fils à papa, expliqua-t-il entre deux pâmoisons. Ça me renverse. Pourquoi diable a-t-il fait cela ?

Il se produisit un nouveau pêle-mêle dans les broussailles, et deux femmes firent irruption sur la scène, l’une en fuite, l’autre en poursuite. Avant même de pouvoir s’en rendre compte, le petit groupe se trouva submergé dans le vaste conflit qui couvrait, sinon la face de la création, du moins toute la surface visible de Weasel-Park.

La femme en déroute buta dans le bout d’un banc de pique-nique et allait être prise immanquablement si, après avoir saisi le bras de Marie pour recouvrer son équilibre, elle n’avait eu l’idée de lancer Marie elle-même dans les bras de sa poursuivante. Celle-ci, virago puissante, d’âge moyen, trop en colère pour comprendre quoi que ce fût, empoigna d’une main le chignon de Marie et leva l’autre pour la gifler. Avant que le coup ne tombât, Billy avait saisi les deux mains de la femme.

— Ça va, la petite mère, en voilà assez ! dit-il d’un ton apaisant. Vous vous trompez de numéro. Celle-ci ne vous a rien fait.

Alors la bonne femme fit une chose étrange. Sans bouger ni esquisser aucune résistance, mais sans lâcher non plus la chevelure de Marie, elle se mit tranquillement à hurler. Son cri était étrangement dosé d’une crainte et d’une terreur dont pourtant son visage ne portait pas la moindre trace. Elle regardait Billy d’un air calme et appréciateur, pour voir comment il prendrait la chose,