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fauteuil. Il était juste au-dessous du groupe au flanc de la colline lorsqu’arriva la chose imprévue et inimaginable. Près du bord intérieur de la piste se tenait un jeune homme svelte et vif, muni d’une canne flexible et légère. Il semblait nettement déplacé dans une telle assemblée, car il ne présentait aucune des caractéristiques de la classe ouvrière. Plus tard, Bert émit l’avis qu’il ressemblait à un maître de danse à la mode, et Billy l’appela le gommeux.

Ce mince jeune homme représentait le destin en ce qui concerne Timothey Mc Manus. Car au moment où celui-ci passait devant lui, il poussa sa canne, avec le plus grand sang-froid, entre les jambes en plein vol du coureur. Tim décrivit dans l’air un bond éperdu, retomba sur la figure, bras et jambes écartés, et laboura le sol dans un nuage de poussière.

Il y eut un instant de silence et comme de suffocation générale. Le jeune homme lui-même semblait pétrifié par l’horreur de son forfait. Il lui fallut, aussi bien qu’aux spectateurs, un intervalle appréciable pour comprendre ce qu’il avait fait. Ils reprirent leurs esprits avant lui, et d’un millier de gorges s’éleva le sauvage hurlement irlandais. Le rouquin gagna la course sans un applaudissement. Le centre de l’orage s’était déplacé et planait sur la tête du jeune homme à la canne. Devant la hurle, il hésita un moment, puis il tourna le dos et s’élança pour remonter la piste.

— Vas-y, vieux poteau ! s’écria Bert, agitant son chapeau. Tu es mon type ! Qui aurait cru ça de lui, hein ? Dites… ce serait dommage qu’on le rattrape, hein ?

— Bah ! Il est lui-même rapide comme l’éclair, remarqua Billy. Mais pourquoi a-t-il fait ça ? Ce n’est pas un maçon.

Comme un lièvre effrayé par l’aboiement éperdu de la meute, le jeune gandin, après avoir détalé sur la piste jusqu’à un espace découvert au flanc de la colline, y grimpa et disparut entre les arbres. À ses trousses s’éver-