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camp opposé l’en arracha, hurlante, et tomba lui-même comme un bœuf assommé du coup de poing sur l’oreille que lui lança un des partisans de la femme. L’assaillant roula à son tour, et maintes commères charnues se joignirent à leurs hommes dans la bataille. En vain juges et commissaires suppliaient, plaidaient, braillaient et levaient les poings au ciel. Hommes et femmes bondissaient vers la corde et halaient à tour de bras. Ce n’était plus équipe contre équipe, mais tout Oakland contre tout San-Francisco, au milieu d’une arène où n’importe qui pouvait se battre sans payer. Des mains s’agrippaient aux mains, sur deux ou trois de profondeur, pour saisir la corde, et celles qui n’y trouvaient pas de prise se fermaient en poings et s’employaient sur la mâchoire des commissaires trop ardents.

Bert glapissait de joie, tandis que Marie se cramponnait à lui, folle de terreur. Près de la corde, des combattants tombaient et étaient foulés aux pieds. La poussière et le bruit devenaient intolérables : tout l’alentour résonnait des cris aigus et des vociférations rageuses de gens qui ne pouvaient prendre part à la bataille.

— Vilaine affaire, vilaine affaire, ne cessait de murmurer Billy ; et, tout en observant ce qui se passait, peu à peu et tranquillement, avec l’aide de son ami l’Irlandais, il dégageait Saxonne de la mêlée.

Enfin la débâcle se produisit. L’équipe perdante, avec sa bande d’auxiliaires, fut traînée sur le sol dans une course emballée, et disparut sous l’avalanche des spectateurs hostiles.

Laissant Saxonne sous la garde de l’Irlandais dans un remous plus calme, Billy replongea dans le tourbillon. Il en émergea quelques minutes après, ramenant le couple manquant, Bert avec l’oreille fendue d’un coup de poing, mais hilare, Marie toute fripée et dans un état voisin de l’hystérie.

— Ce n’est pas du sport, ronchonnait-elle, c’est une honte, un scandale !