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partie de la confrérie des danseuses, qui apportaient un appoint sérieux et constant aux recettes de toutes les réunions de ce genre.

Elles errèrent parmi les baraques où les moulins à cacahuètes et les brûloirs à maïs grillé tournaient à l’envi, puis allèrent inspecter le parquet du pavillon de danse. Saxonne, enlaçant un cavalier imaginaire, essaya quelques pas de valse chaloupée. Marie battit des mains.

— Bon sang ! s’écria-t-elle, ce que tu as du chic ! Et tes bas sont en duvet de pêche.

Saxonne eut un sourire flatté, pointa son pied chaussé de velours sur de hauts talons cubains, et souleva légèrement son étroite jupe noire, découvrant une cheville bien faite et la naissance du mollet, dont la peau blanche transparaissait sous les plus minces et les plus fragiles des bas de soie noire à cinquante cents. Elle était svelte et pas très grande, mais possédait les courbes classiques de la féminité. Sur sa chemisette blanche s’étalait un jabot plissé de dentelle à bon marché, retenu par une grosse agrafe en imitation de corail. Elle portait par là-dessus une pimpante jaquette dont les manches s’arrêtaient au coude, et des gants montants en faux suède. Le plus naturel de tous ces attraits consistait en quelques boucles, vierges du fer à friser, qui s’échappaient du provocant petit chapeau de velours noir rabattu sur ses yeux.

Les yeux noirs de Marie brillèrent de plaisir, d’un rapide élan elle saisit l’autre et l’embrassa à l’étouffer. Puis elle la lâcha, rougissant de sa propre extravagance.

— C’est une joie pour moi de te regarder ! dit-elle en manière d’excuse. Si j’étais un homme, je ne pourrais retenir mes mains de te toucher. Je te mangerais, j’en suis certaine !

Elles sortirent du pavillon la main dans la main, et se promenèrent au soleil, balançant joyeusement les bras, dans une exubérance de réaction contre leur semaine