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CHAPITRE II

UN BAL À WEASEL-PARK


Chacune des deux jeunes filles acheta son billet à l’entrée de Weasel-Park[1], et chacune, en allongeant son demi-dollar, se rendait parfaitement compte du nombre d’amidonnages de fantaisie que représentait cette somme.

Il était trop tôt pour qu’il y eût foule, mais les maçons commençaient à arriver avec leurs familles, chargés d’énormes paniers de provisions et de brassées de bébés ; race saine et rude d’ouvriers bien payés et robustes mangeurs. Disséminés parmi eux, plus petits de stature et de contours, ratatinés non seulement par l’âge mais aussi par les années de disette et une enfance misérable, on devinait, malgré leurs habits de coupe américaine convenable, des grands-pères et grand’mères qui avaient évidemment vu le jour en terre irlandaise. Leurs visages rayonnaient de contentement et d’orgueil pendant qu’ils trottinaient à côté de leur progéniture corpulente et mieux nourrie.

Marie et Saxonne n’appartenaient pas à ce milieu-là. Elles l’ignoraient et n’y connaissaient personne. Peu leur importait que la fête fût irlandaise, allemande ou slave, que ce fût le pique-nique des maçons, des brasseurs ou des bouchers. Les jeunes filles, elles, faisaient

  1. Ou Parc de la Belette.