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— T’as jamais été jeune, peut-être ?

Sans attendre la réponse, elle entra dans sa chambre, qui ouvrait directement sur la cuisine. C’était une petite pièce, de huit pieds sur douze, et ici encore le tremblement de terre avait laissé ses marques sur le plâtre. Un lit, une chaise de bois blanc et une très ancienne commode constituaient l’ameublement. Saxonne avait connu cette commode toute sa vie et la revoyait parmi les souvenirs de sa plus tendre enfance. Elle savait que ses ancêtres l’avaient transportée à travers les plaines dans une « goélette des prairies ». Faite d’un acajou massif, une de ses extrémités était fendue et écornée par suite d’une chute du chariot dans le Rock Canyon. Un trou de balle rebouché dans le tiroir du haut attestait la bataille soutenue contre les Indiens à Little Meadow. Sa mère lui avait raconté ces événements ; elle lui avait dit aussi que la commode était venue originairement d’Angleterre avec la famille avant même la naissance de Washington.

Un petit miroir s’inclinait au-dessus de la commode. Sous le cadre étaient insérées des photographies de jeunes gens des deux sexes et de groupes de pique-nique où les hommes, le chapeau rejeté en arrière d’un air libertin, enlaçaient la taille des filles. Plus loin sur le mur étaient fixés un calendrier en couleurs, des réclames bariolées et de nombreux dessins découpés dans des revues, la plupart représentant des chevaux. À l’applique du gaz pendait un paquet embrouillé de carnets de bal copieusement griffonnés.

Saxonne commença à défaire son chapeau, puis soudain elle s’assit sur le lit. Elle pleurait doucement, se retenant autant que possible. Mais la porte mal fermée s’ouvrit sans bruit, et la voix de sa belle-sœur la fit tressaillir.

— Qu’est-ce que tu as encore ? Si tu n’aimais pas ces haricots…

— Non, non, ce n’est pas cela, s’empressa d’expliquer