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bidon à pétrole aplati en double. Un évier, une serviette sans fin, sale, quelques chaises et une table de bois complétaient le décor.

En approchant une chaise de la table elle écrasa du pied un trognon de pomme. Sur la toile cirée éraillée son souper l’attendait. Elle essaya les haricots refroidis et confits dans la graisse, mais y renonça et se beurra une tartine.

La maison branla sous un pas lourd, insouciant, et par la porte intérieure entra Sarah, personne d’âge moyen, émondée de poitrine, défaillante de chevelure, la face ridée de souci et bouffie de hargne.

— Euh ! c’est toi, grogna-t-elle en guise de bienvenue. Impossible de tenir ça au chaud. Quelle journée ! J’ai failli trépasser de chaleur. Et le petit Henri s’est fait une entaille horrible à la lèvre. Le docteur a dû y faire quatre points de suture.

Sarah s’approcha de la table et la domina de sa masse.

— Que trouves-tu à redire à ces haricots ? demanda-t-elle d’un air de défi.

Saxonne prit un temps et esquiva l’orage imminent.

— Rien, seulement… Seulement je n’ai pas faim. Il a fait si chaud toute la journée. C’était terrible à la blanchisserie.

Témérairement, elle prit une gorgée de thé refroidi, infusé depuis si longtemps qu’il lui fit dans la bouche l’effet d’un acide ; héroïquement, sous l’œil de sa belle-sœur, elle l’avala ; elle engloutit tout le reste de la tasse, s’essuya les lèvres de son mouchoir et se leva.

— Je vais me coucher.

— Ça m’étonne que tu n’ailles pas danser. C’est tout de même drôle que tu rentres morte de fatigue tous les soirs, et que quand même tu sois toujours prête à aller danser jusqu’à des heures indues.

Saxonne voulut parler, essaya de se retenir en serrant les lèvres, puis éclata :