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qu’elle reprit son fer, puis se mit à tapoter fébrilement le vêtement fragile et garni de volants disposé sur sa planche.

— J’ai cru que ça allait la reprendre ; et toi ? demanda la jeune fille.

— Quel malheur ! Une femme de son âge et de sa… condition ! répondit Saxonne en tuyautant au petit fer un col de dentelle. Ses mouvements étaient délicats, sûrs et rapides, et bien que sa figure blêmît de fatigue et de chaleur, elle ne ralentissait pas son allure.

— Et dire qu’elle en a sept, dont deux à la maison de correction ! appuya la titulaire de la planche voisine, avec un reniflement sympathique.

— Il faut absolument que tu viennes à Weasel-Park demain, Saxonne. Les réunions des maçons sont toujours amusantes ; il y aura des équipes à la corde, des courses de cent kilos, de la vraie gigue irlandaise, et tout le tremblement. Et le parquet du pavillon est une merveille.

Nouvelle interruption du fait de la vieille : elle laissa tomber son fer en plein sur la chemisette, tâtonna pour se raccrocher à la planche, plia sur les genoux et les hanches, et s’affaissa sur le plancher comme un sac à moitié vide. Son cri prolongé s’éleva dans l’air renfermé de la salle en même temps que l’odeur du roussi. Les voisines se bousculèrent, en premier lieu vers le fer pour sauvegarder le linge, puis autour de la malade, tandis que la contremaîtresse accourait dans l’allée d’un air belliqueux. Les ouvrières un peu plus éloignées continuaient leur travail, mais avec une imprécision de gestes qui dut bien abaisser d’une minute le rendement de l’atelier de fin.

— Il y a de quoi faire tourner de l’œil à un chien ! murmura la jeune fille en cognant le support de son fer avec détermination. La vie d’une honnête ouvrière n’est pas ce qu’on dégoise. Vivement mon numéro pour la sortie ! Voilà où j’en suis.

— Marie !…