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— C’est si beau que j’ai peur de regarder, répondit-elle. C’est si franc que ça fait mal.

— Franc ? Quelle singulière expression !

— N’est-ce pas ? Mais elle dit bien ce que je ressens. C’est franc. Les maisons, les rues et les objets de la ville ne sont pas francs. Mais ceci l’est. Je ne sais pas pourquoi. C’est comme ça.

— Parbleu, je crois que vous êtes dans le vrai une fois de plus, s’écria-t-il. Tout me frappe de la même façon, maintenant que vous me le dites. Il n’y a pas de jeu ni de trucs, ici, pas de tricherie ni de mensonge. Ces arbres-là se dressent naturellement, forts et nets comme des adolescents la première fois qu’ils entrent sur une arène, avant d’en connaître toutes les sales ruses, avant d’avoir appris à faire du chiqué ou à faire le mort selon les paris du populo. Oui, c’est franc. Comme vous voyez bien les choses, Saxonne !

Il fit une pause l’air soucieux, la regardant ardemment, avec une douceur caressante qui fit passer à travers son être des frissons répétés.

— Savez-vous ? Je serais content que vous me voyiez me battre une fois, en vrai combat, où il y ait constamment de l’action. Je serais très fier de le faire pour vous. Et sûrement je me battrais bien, si vous étiez là à regarder et à comprendre. Croyez-m’en, cette bataille-là vaudrait la peine d’être vue. Et c’est bizarre : de ma vie je n’ai jamais désiré me battre devant une femme. Elles crient et braillent et n’y entendent rien. Mais vous, vous comprendriez, c’est sûr et certain.

Un peu plus tard, tandis qu’ils serpentaient au fond de la vallée entre les petits défrichements des fermiers et les vastes étendues d’épis mûrs et dorés par le soleil, Billy se tourna encore une fois vers Saxonne.

— Dites, vous avez dû être amoureuse plus d’une fois. Racontez-moi cela. Quel effet cela fait-il ?

Elle secoua lentement la tête.