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neur et comme chrétien, en accordant des ristournes secrètes, et il en accordait souvent.

« Ce directeur de journal qui publiait des annonces de remèdes brevetés me traita de sale démagogue parce que je le mettais au défi de publier un article disant la vérité au sujet de ces drogues[1]. Ce collectionneur de belles éditions qui patronnait la littérature, payait des pots de vin au patron brutal et illettré d’une mécanique municipale[2]. Tel sénateur était l’outil, l’esclave, la marionnette d’un patron de mécanique politique aux sourcils épais et à la lourde mâchoire ; il en était de même de tel gouverneur et de tel juge à la cour suprême. Tous trois voyageaient gratis en chemin de fer ; et, en outre, tel capitaliste à la peau luisante était le véritable propriétaire de la mécanique politique,

  1. Les remèdes brevetés étaient des escroqueries patentées, mais le peuple s’y laissait prendre comme aux charmes et aux indulgences du moyen âge. La seule différence est que les remèdes brevetés étaient plus nuisibles et coûtaient plus cher.
  2. Jusque vers 1912, la grande masse du peuple conserva l’illusion qu’elle gouvernait le pays par ses votes. Il était gouverné en réalité par ce que l’on appelait les mécanismes politiques (political machines). Au début, les patrons ou entrepreneurs (bosses) de ces mécanismes extorquaient de grosses sommes aux capitalistes pour influencer la législature. Mais les gros capitalistes ne tardèrent pas à découvrir qu’il serait plus économique pour eux de posséder ces mécanismes et d’en salarier eux-mêmes les patrons.