Page:London - Le Talon de fer, trad. Postif.djvu/90

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pli cet esprit hanté de si hautes pensées ! »

Mlle Brentwood, parvenue au haut bout de la salle, le présenta au colonel Van Gilbert, à qui je savais que la présidence de la réunion était réservée. Le colonel était un grand avocat de groupements. En outre, il était immensément riche. Les plus faibles honoraires qu’il daignât accepter étaient de cent mille dollars. C’était un maître en matière juridique. La loi était une marionnette dont il tenait tous les fils. Il la moulait comme de l’argile, la tordait et la déformait comme un jeu de patience chinois, selon son propre dessein. Ses manières et son élocution étaient un peu vieux jeu, mais son imagination, ses connaissances et ses ressources étaient à la hauteur des statuts les plus récents. Sa célébrité datait du jour où il fit annuler le testament Shadwell[1]. Rien que pour cette affaire il avait

  1. Cette invalidation de testaments était un des traits particuliers de l’époque. Pour ceux qui avaient accumulé de vastes fortunes, c’était un problème angoissant que la façon d’en disposer après leur mort. La rédaction et l’invalidation des testaments devinrent des spécialités complémentaires, comme la fabrication des cuirasses et celle des obus. On avait recours aux hommes de loi les plus subtils pour rédiger des testaments qu’il fut impossible d’invalider. Mais ils étaient invalidés quand même, souvent par les avocats mêmes qui les avaient rédigés. Néanmoins, l’illusion persistait chez les gens riches qu’il était possible de faire un testament absolument inattaquable, et pendant des générations cette illusion fut entretenue par