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4. Les esclaves de la machine


Plus je pensais au bras de Jackson, plus j’étais bouleversée. Je me trouvais face à face ici avec quelque chose de concret ; pour la première fois, je voyais la vie. Ma jeunesse passée à l’Université, l’instruction et l’éducation que j’y avais reçues, restaient en dehors de la vie réelle. Je n’avais rien appris que des théories sur l’existence et la société, des choses qui font très bon effet sur le papier ; maintenant seulement, je venais de voir la vie telle qu’elle est. Le bras de Jackson était un fait pris sur le vif, et dans ma conscience résonnait l’apostrophe d’Ernest : « C’est un fait, camarade, un fait irréfragable ! »

Que toute notre société fût fondée dans le sang, cela me semblait monstrueux, impossible. Pourtant Jackson se dressait là, et je ne pouvais y échapper. Ma pensée y revenait constamment, comme l’aiguille aimantée vers le pôle. Il avait été traité d’une façon abominable. On ne lui avait pas payé sa chair, afin de répartir de plus gros dividendes. Je connaissais une vingtaine