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sation, je lui posai une simple question au sujet des risques d’accident encourus par les ouvriers, et il me gratifia d’une véritable conférence bourrée de statistiques.

— Cela se trouve dans tous les livres, dit-il. On a comparé les chiffres et il est formellement prouvé que les accidents, relativement rares aux premières heures de la matinée, se multiplient selon une progression croissante à mesure que les travailleurs se fatiguent et perdent leur activité musculaire et mentale. Peut-être ignorez-vous que votre père a trois fois plus de chances qu’un ouvrier de conserver sa vie et ses membres intacts. Mais les compagnies d’assurance[1] le savent. Elles lui prendront quatre dollars et quelque chose de prime annuelle pour une police de mille dollars, pour laquelle elles demandent quinze dollars à un homme de peine.

— Et vous ? demandai-je. Et au moment même où je posais cette question je me rendis compte que j’éprouvais pour lui une inquiétude plus qu’ordinaire.

  1. Dans cette lutte perpétuelle entre fauves, nul, si riche qu’il pût être, n’était jamais sûr de l’avenir. C’est par souci du bien-être de leur famille que les hommes inventèrent les assurances. Ce système qui, à notre âge éclairé, semble absurde et comique, représentait alors une chose très sérieuse. Le plus drôle est que les fonds des compagnies d’assurances étaient fréquemment pillés et dissipés par les personnages chargés de les administrer.