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d’avoir jeté ce travailleur à la rue après un accident qui le privait de toute capacité. Il raconta, lui aussi, qu’il se produisait de fréquents accidents à la filature et que c’était une politique adoptée par la compagnie de lutter à outrance contre les actions intentées en pareil cas.

— Cela représente des centaines de mille dollars par an pour les actionnaires, fit-il.

Alors je me souvins du dernier dividende touché par père, qui avait servi à payer une jolie robe pour moi et des livres pour lui. Je me rappelai l’accusation d’Ernest disant que ma jupe était tachée de sang, et je sentis ma chair frissonner sous mes vêtements.

— Dans votre déposition, vous n’avez pas fait ressortir que Jackson fut victime de l’accident en essayant de préserver la machine d’une détérioration ?

— Non, répondit-il, et ses lèvres se pincèrent amèrement. J’ai témoigné que Jackson avait été blessé par suite de négligence et d’insouciance et que la Compagnie n’était aucunement à blâmer ni responsable.

— Y avait-il eu négligence de la part de Jackson ?

— On peut appeler cela de la négligence si l’on veut, ou employer tout autre terme. Le fait est qu’un homme est fatigué quand il a travaillé plusieurs heures consécutives.

L’individu commençait à m’intéresser. Il était certainement d’un type moins ordinaire.