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ner du boulot comme gardien de nuit[1].

Je ne pus en tirer grand’chose. Il avait un air hébété que démentait son adresse au travail. Ceci me suggéra une question.

— Comment votre bras s’est-il trouvé pris dans la machine ?

Il me regarda d’une manière absente en réfléchissant, puis secoua la tête.

— J’en sais rien : c’est arrivé comme ça.

— Un peu de négligence peut-être ?

— Non, j’appellerais pas ça comme ça. Je faisais des heures supplémentaires, et je crois bien que j’étais fatigué un peu. J’ai travaillé dix-sept ans dans cette usine-là, et j’ai remarqué que la plupart des accidents arrivent juste avant le coup de sifflet[2]. Je parierais bien

  1. En ce temps-là, le vol était très courant. Tout le monde se volait réciproquement. Les princes de la société volaient légalement ou faisaient légaliser leurs vols, tandis que les pauvres diables volaient illégalement. Rien n’était en sécurité à moins d’être gardé. Un grand nombre d’hommes étaient employés comme gardiens pour protéger les propriétés. Les maisons des riches étaient des combinaisons de forteresses, de caveaux voûtés et de coffres-forts. La tendance que nous remarquons encore chez nos jeunes enfants à s’approprier le bien d’autrui est considérée comme une survivance rudimentaire de cette disposition spoliatrice alors universellement répandue.
  2. Les travailleurs étaient appelés à leur tâche et en étaient congédiés par des coups de sifflets à vapeur horriblement perçants qui déchiraient les oreilles.