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reste), il ne restait que des ruines où le feu couvait encore. Au loin, sur la droite, un grand voile de fumée obscurcissait le ciel. Le chauffeur nous apprit que c’était la ville de Pullman, ou du moins ce qui en subsistait après une destruction de fond en comble. Il était allé avec sa voiture y porter des dépêches dans l’après-midi du troisième jour. C’était, disait-il, l’un des endroits où la bataille avait sévi avec le plus de rage ; des rues entières y étaient devenues impraticables par suite de l’amoncellement des cadavres.

Au tournant d’une maison démantelée dans le quartier des chantiers, l’auto se trouva arrêtée par un barrage de corps : on aurait juré une grosse vague prête à déferler. Nous devinâmes facilement ce qui s’était passé. Au moment où la foule lancée à l’attaque tournait le coin, elle avait été balayée à angle droit et à courte distance par des mitrailleuses qui barraient la route latérale. Mais les soldats n’échappèrent pas au désastre. Une bombe sans doute éclata parmi eux ; car la foule, un instant contenue par l’entassement des morts et des mourants, avait couronné la crête et précipité son écume vivante et bouillonnante. Mercenaires et esclaves gisaient pêle-mêle, déchirés et mutilés, couchés sur les débris des automobiles et des mitrailleuses.

Ernest sauta de la voiture. Son regard venait d’être attiré par une frange de cheveux blancs