Page:London - Le Talon de fer, trad. Postif.djvu/415

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la façade du magasin. Le ciel était rempli d’un nuage de fumée zébré d’éclairs livides. De l’autre côté de la rue titubait un misérable esclave. D’une main, il se comprimait fortement le flanc, et il laissait derrière lui une trace sanglante. Ses yeux remplis d’effroi rôdaient de tous côtés et se fixèrent un instant sur moi. Son visage portait l’expression pathétique et muette d’un animal blessé et traqué. Il me voyait, mais aucun lien d’entente n’existait entre nous, ni, de son côté du moins, la moindre sympathie. Il se replia sensiblement sur lui-même et se traîna plus loin. Il ne pouvait attendre aucune aide en ce monde. Il était une des proies poursuivie dans cette grande chasse aux ilotes à laquelle se livraient les maîtres. Tout ce qu’il pouvait espérer, tout ce qu’il cherchait, c’était un trou où ramper et se cacher comme une bête sauvage. Le tintamarre d’une ambulance qui passait au coin le fit sursauter. Les ambulances n’étaient pas faites pour ses pareils. Avec un grognement plaintif, il se jeta sous un porche. Une minute après, il en ressortait et reprenait son clochement désespéré.

Je retournai à mes couvertures et j’attendis pendant une heure encore le retour de Garthwaite. Mon mal de tête ne s’était pas dissipé ; au contraire, il augmentait. Il me fallait un effort de volonté pour ouvrir les yeux, et quand je voulais les fixer sur quelque chose, j’éprouvais une intolérable torture. Je sentais dans