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plus. Elle s’empilait en un énorme tas, en une vague grossissante de morts et de mourants. Ceux qui étaient derrière poussaient les autres en avant, et la colonne, d’un ruisseau à l’autre, rentrait en elle-même comme un télescope. Des blessés, hommes et femmes, rejetés par dessus la crête de cet horrible mascaret dévalaient en se débattant jusque sous les roues des automobiles et les pieds des soldats, qui les perçaient de leurs baïonnettes. Je vis pourtant un de ces malheureux se remettre sur pieds et sauter sur un soldat qu’il mordit à la gorge. Tous deux, le militaire et l’esclave, roulèrent étroitement enlacés dans la fange.

Le feu cessa. La besogne était accomplie. La populace avait été arrêtée dans sa folle tentative de percée. L’ordre fut donné de dégager les roues des autos blindées. Elles ne pouvaient avancer sur ce monceau de cadavres, et on voulait les détourner sur la rue transversale. Les soldats étaient en train de retirer les corps d’entre les roues lorsque la chose se passa. Nous sûmes, plus tard, comment elle s’était produite. Au bout du pâté de maisons, il y en avait une occupée par une centaine de nos camarades. Ils s’étaient frayés un chemin à travers les toits et les murs, d’une maison à l’autre, et avaient fini par arriver droit au-dessus des mercenaires massés dans la rue. Alors eut lieu le contre-massacre.

Sans le moindre signe prémonitoire, une