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des oligarques. Ceux-ci avaient bien pris leurs mesures de protection. Quelque effroyable que pût être la dévastation au cœur de la ville, eux-mêmes, avec leurs femmes et leurs enfants, devaient s’en tirer sans le moindre mal. On dit que, pendant ces terribles journées, leurs enfants s’amusaient dans les parcs, et que le thème favori de leurs jeux était une imitation de leurs aînés foulant aux pieds le prolétariat.

Cependant, les Mercenaires ne trouvèrent pas la tâche facile quand ils eurent non seulement à compter avec le peuple de l’abîme, mais encore à se battre avec les nôtres. Chicago resta fidèle à ses traditions, et si toute une génération de révolutionnaires fut balayée, elle entraîna avec elle bien près d’une génération d’ennemis. Il va de soi que le Talon de Fer garda secret le chiffre de ses pertes, mais tout en restant au-dessous de la vérité, on peut estimer à cent trente mille le nombre des Mercenaires tués. Malheureusement, les camarades n’avaient aucune chance de succès. Au lieu d’être soutenus par une révolte de tout le pays, ils étaient seuls, et l’oligarchie pouvait disposer contre eux de la totalité de ses forces. En cette occurrence, heure par heure, jour par jour, train sur train, par centaines de mille, les troupiers furent déversés sur Chicago.

Mais le peuple de l’Abîme aussi était innombrable. Fatigués de tuer, les militaires entreprirent un vaste mouvement enveloppant qui