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— Oh ! moi, je vais me marier, répondis-je d’un ton dégagé, et j’enverrai tout promener.

Ainsi, nous nous mîmes à causer tranquillement, pendant qu’on achevait les blessés autour de nous. Tout cela me fait aujourd’hui l’effet d’un rêve, mais, sur le moment, ce semblait la chose la plus naturelle du monde. Garthwaite et le jeune officier se perdirent dans une conversation animée sur la différence entre les méthodes de guerre moderne et cette bataille de rues et de gratte-ciels engagée dans toute une ville. Je les écoutais attentivement, tout en me recoiffant et épinglant les déchirures de mes jupes. Et, pourtant, tout ce temps, le massacre des blessés continuait. Parfois, les coups de revolver couvraient la voix de Garthwaite et de l’officier, et les obligeaient à se répéter.

J’ai passé trois jours de ma vie dans cette tuerie de la Commune de Chicago, et je puis donner une idée de son immensité en disant que, pendant tout ce temps, je n’ai guère vu autre chose que le massacre du peuple de l’Abîme et les batailles en plein air d’un gratte-ciel à l’autre. En réalité, je n’ai rien aperçu de l’œuvre héroïque accomplie par les nôtres. J’ai entendu les explosions de leurs mines et de leurs bombes, j’ai vu la fumée des incendies allumés par eux, et c’est tout. Cependant, j’ai suivi les épisodes aériens d’une grande action, l’attaque des forteresses, en ballon, par nos camarades. Elle eut lieu le second jour. Les trois régiments déloyaux