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m’attirait en avant. Je m’aidais faiblement de mes propres jambes. Je voyais s’agiter devant moi le dos d’un paletot d’homme. Fendu de haut en bas le long de la couture médiane, il battait comme un pouls régulier, la fente s’ouvrant et se fermant au rythme du marcheur. Ce phénomène me fascina un bon moment, pendant que je recouvrais mes sens. Puis je ressentis mille piqûres d’aiguilles dans les joues et dans le nez, et je m’aperçus que du sang me coulait sur la figure. Mon chapeau avait disparu, ma chevelure défaite flottait au vent. Une douleur cuisante à la tête me rappela une main qui m’avait arraché les cheveux dans la cohue. Ma poitrine et mes bras étaient couverts de meurtrissures et tout endoloris.

Mon cerveau s’éclaircissait : sans arrêter ma course, je me retournai pour regarder l’homme qui me soutenait, celui qui m’avait arrachée à la foule et sauvée. Il perçut mon mouvement.

— Tout va bien, cria-t-il d’une voix rauque. Je vous ai reconnue tout de suite.

Moi, je ne me le remettais pas. Mais, avant d’avoir pu dire un mot, je marchai sur quelque chose de vivant qui se contracta sous mon pied. Poussée par ceux qui suivaient, je ne pus me baisser pour voir, mais je savais que c’était une femme tombée que des milliers de pieds écrasaient sans relâche sur le pavé.

— Tout va bien, répéta l’homme. Je suis Garthwaite.