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travaillaient de bon cœur. Pour la première fois de leur vie, ils connaissaient la paix industrielle. Ils ne se tracassaient plus des heures réduites, des grèves, des fermetures d’ateliers, ni des timbres de syndicats. Ils vivaient dans des maisons plus confortables, dans de jolies villes à eux, délicieuses en comparaison des bouges et des ghettos habités jadis. Ils avaient une meilleure nourriture, moins d’heures de travail quotidien, plus de vacances, un choix plus varié de plaisirs et de distractions intellectuelles. Quant à leurs frères et sœurs moins fortunés, les travailleurs non favorisés, le peuple surmené de l’Abîme, ils ne s’en souciaient pas le moins du monde. Une ère d’égoïsme s’annonçait dans l’humanité. Encore ceci n’est-il pas tout à fait juste : car les castes ouvrières fourmillaient d’agents à nous, d’hommes qui percevaient, par delà les besoins du ventre, les radieuses figures de la Liberté et de la Fraternité.

Une autre grande institution qui avait pris forme et fonctionnait parfaitement était celle des Mercenaires. Ce corps de troupes était issu de l’ancienne armée régulière et ses effectifs avaient été portés à un million d’hommes, sans parler des forces coloniales. Les Mercenaires constituaient une race à part. Ils habitaient des villes à eux, administrées par un gouvernement virtuellement autonome, et jouissaient de nombreux privilèges. C’est eux qui consommaient une grosse part de l’encombrant surplus de