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servions aussi de la crème et du beurre de Wickson[1] ; et Ernest ne se faisait aucun scrupule d’abattre ses cailles et ses lapins, ou même, à l’occasion, quelque jeune daim.

En vérité, c’était un refuge de tout repos. Je crois avoir dit cependant qu’il fut découvert une fois, et cela m’amène à éclaircir le mystère de la disparition du jeune Wickson. Maintenant qu’il est mort, je puis parler librement. Il y avait au fond de notre grand trou un coin invisible d’en haut, où le soleil donnait pendant plusieurs heures. Nous y avions transporté quelques charges de sable de rivière, de sorte qu’il y faisait sec et chaud, et qu’on aimait à s’y rôtir au soleil. C’est là qu’un après-midi je m’étais à moitié assoupie, tenant en main un volume de Mendenhall[2]. Je me trouvais tellement à l’aise et en sécurité que même son lyrisme enflammé ne réussissait pas à m’émouvoir.

  1. Même à cette époque, la crème et le beurre s’extrayaient encore du lait de vache par des procédés grossiers. On n’avait pas commencé à préparer les aliments dans les laboratoires.
  2. Dans les documents littéraires datant de cette époque, il est constamment question des poèmes de Rudolph Mendenhall. Ses camarades l’avaient surnommé « La Flamme ». C’était incontestablement un grand génie ; cependant, à part quelques fragments fantastiques et obsédants de ses poésies, cités par d’autres auteurs, il ne nous est rien parvenu de ses œuvres. Il fut exécuté par le Talon de Fer en 1928.