— Mais pourquoi y aurait-il conflit ? demanda l’évêque avec chaleur.
Ernest haussa les épaules : — Parce que nous sommes ainsi faits, je suppose.
— Mais nous ne sommes pas ainsi faits !
— Est-ce de l’homme idéal, divin et dépourvu d’égoïsme, que vous discutez ? demanda Ernest. Mais il y en a si peu qu’on est en droit de les considérer pratiquement comme inexistants. Ou parlez-vous de l’homme commun et ordinaire ?
— Je parle de l’homme ordinaire.
— Faible, et faillible, et sujet à erreur ?
L’évêque fit un signe d’assentiment.
— Et mesquin et égoïste ?
Le pasteur renouvela son geste.
— Faites attention, déclara Ernest. J’ai dit égoïste.
— L’homme ordinaire est égoïste, affirma vaillamment l’évêque.
— Il veut avoir tout ce qu’il peut avoir ?
— Il veut avoir le plus possible ; c’est déplorable, mais vrai.
— Alors je vous tiens. — Et la mâchoire d’Ernest claqua comme le ressort d’un piège. — Prenons un homme qui travaille dans les tramways.
— Il ne pourrait pas travailler s’il n’y avait pas de capital, interrompit l’évêque.
— C’est vrai, et vous m’accorderez que le capital périrait s’il n’y avait pas la main-d’œuvre pour gagner les dividendes ?