Page:London - Le Talon de fer, trad. Postif.djvu/331

Cette page a été validée par deux contributeurs.

apprend une nouvelle langue, le français, par exemple. Tout d’abord, on le parle d’une façon consciente, par un effort de volonté. On pense en anglais, et l’on traduit en français, ou bien on lit en français, mais il faut traduire en anglais avant de comprendre. Plus tard, l’effort devient automatique, l’étudiant se sent en terrain solide, il lit, écrit et pense en français, sans recourir du tout à l’anglais.

De même, pour nos déguisements, il était nécessaire de nous exercer jusqu’à ce que nos rôles artificiels fussent devenus réels, jusqu’à ce que, pour redevenir nous-mêmes, il nous fallût un effort d’attention et de volonté. Au début, naturellement, nous tâtonnions un peu à l’aveugle et nous nous égarions souvent. Nous étions en train de créer un art nouveau, et nous avions beaucoup à découvrir. Mais le travail progressait partout : de nouveaux maîtres se développaient dans cet art, et tout un fonds de trucs et d’expédients s’accumulaient peu à peu. Ce fonds devint une sorte de manuel qui passait de mains en mains et faisait partie, pour ainsi dire, du programme d’études de l’école de la Révolution[1].

  1. Durant cette période, le déguisement devint un art véritable. Les révolutionnaires entretenaient des écoles d’acteurs dans tous leurs refuges. Ils dédaignaient les accessoires des comédiens ordinaires, tels que perruques, fausses barbes et faux sourcils. Le jeu de la révolution était un jeu de vie ou de mort,