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point qu’on ne pouvait s’empêcher de se demander ce que la Révolution représentait pour lui. Et pourtant, l’amour de la liberté projetait une lueur tranquille dans cette âme obscure. À certains égards, il valait mieux qu’il ne fût pas doué d’une imagination mobile. Il ne perdait jamais la tête. Il savait obéir aux ordres, et il n’était ni curieux ni bavard. Je lui demandai un jour comment il se faisait qu’il fût révolutionnaire.

— J’ai été soldat dans ma jeunesse, répondit-il. C’était en Allemagne. Là, tous les jeunes gens doivent faire partie de l’armée. Et dans le régiment auquel j’appartenais, j’avais un camarade de mon âge. Son père était ce que vous appelez un agitateur, et avait été mis en prison pour crime de lèse-majesté, c’est-à-dire pour avoir clamé la vérité au sujet de l’empereur. Le jeune homme, son fils, m’entretenait souvent du peuple, du travail, et de la façon dont il est volé par les capitalistes. Il me fit voir les choses sous un nouveau jour, et je devins socialiste. Ce qu’il disait était juste et bien, et je ne l’ai jamais oublié. Quand je suis venu aux États-Unis, je me suis mis en rapport avec les socialistes, je me suis fait recevoir membre d’une section, — c’était au temps du S. L. P[1]. Puis, plus tard, quand est venue la scission, je suis entré dans le S. P. local. Je travaillais alors chez un loueur de chevaux à San-Francisco. C’était avant le tremble-

  1. Socialist Labor Party.